Le 30 août 2024, le Journal officiel du Mali a publié une ordonnance introduisant un nouveau statut pour les magistrats maliens. Ce texte, adopté en Conseil des ministres, doit encore être ratifié par le Conseil national de transition. Bien que le statut ne modifie pas fondamentalement les droits et obligations des magistrats, il impose de nouvelles restrictions sur leur liberté d’expression, ce qui suscite des préoccupations dans un contexte où l’indépendance de la justice est déjà sous pression.
Le texte, détaillé sur seize pages et comprenant plusieurs centaines d’articles, précise les droits, les garanties, ainsi que les modalités de nomination et de suspension des magistrats. Parmi les changements notables, l’exigence de diplôme pour devenir magistrat a été abaissée : une licence en droit remplace désormais le master requis précédemment.
La réforme prévoit également que la section des comptes de la Cour suprême soit transformée en une Cour des comptes indépendante, conformément aux exigences de l’UEMOA. De plus, une hiérarchie plus précise entre les magistrats est établie, et un nouveau statut de « magistrat honoraire » est créé pour les retraités souhaitant continuer à exercer leur métier à titre gratuit.
Le nouveau statut encadre strictement les libertés des magistrats, en particulier leur liberté d’expression. Selon la nouvelle disposition, bien que les magistrats conservent les libertés publiques, y compris syndicales et d’expression, ils doivent les exercer « dans le respect de l’autorité de l’État » et « de l’ordre public ».
Cette précision a provoqué des inquiétudes parmi les observateurs. L’avocat et chercheur Oumar Berté souligne la vague formulation de ces conditions, qui pourrait mener à des interprétations arbitraires. « À quel moment un magistrat serait-il considéré comme ayant remis en cause l’autorité de l’État ? À quel moment sa participation à une association ou un syndicat pourrait-elle être perçue comme un trouble à l’ordre public ? Ces questions restent en suspens et pourraient peser lourdement sur les magistrats », analyse-t-il.
Ce débat survient dans un climat tendu, marqué par de nombreuses poursuites judiciaires contre des personnes critiquant la gestion des autorités de transition ou appelant à la tenue d’élections. Ces poursuites sont souvent motivées par des accusations d’« opposition à l’autorité légitime » ou d’« atteinte au crédit de l’État », renforçant les inquiétudes sur l’indépendance judiciaire dans le pays.