Accusés par le Premier ministre de falsification des comptes publics et de détournement de fonds, les anciens ministres de l’administration Macky Sall se murent dans le silence depuis les attaques virulentes du chef du gouvernement, vendredi dernier. Une stratégie de communication qui interroge, surtout à la veille des élections législatives anticipées.
Une stratégie de silence bien calculée ?
Pour Jean Sibadioumeg Diatta, docteur en communication à l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD), ce silence est avant tout tactique. Il s’agit d’une communication de crise classique face à des accusations d’une gravité extrême, impliquant des risques judiciaires et politiques majeurs. Selon lui, « ils vont répondre, mais seulement après avoir rassemblé des éléments solides, car nous sommes dans une bataille d’opinion. » Le silence actuel permet d’éviter de tomber dans des pièges qui pourraient aggraver la situation.
Cependant, Diatta met en garde contre un silence trop prolongé. « L’opinion publique consomme actuellement ces accusations, amplifiées par les réseaux sociaux, et cela pourrait devenir difficile à contrer. Le timing choisi par le pouvoir, à la veille des législatives anticipées, joue en sa faveur, surtout contre un candidat comme Amadou Bâ, qui a terminé deuxième lors de la dernière présidentielle. » L’impact potentiel sur les résultats électoraux pourrait être considérable.
Diversion et contre-attaque politique
En termes de stratégie politique, Diatta observe que certains membres de l’Alliance pour la République (APR) ont déjà amorcé une forme de diversion. Plutôt que de répondre directement aux accusations, ils pointent des responsabilités partagées, notamment celle de l’actuel ministre des Finances, Cheikh Diba, impliqué dans les anciennes gestions. « Cette approche, qui consiste à déplacer le débat, est souvent efficace politiquement, » souligne-t-il.
Par ailleurs, l’expert remarque que Macky Sall semble éviter de s’attarder sur le sujet. « Il a récemment communiqué sur sa nomination à la présidence du Centre mondial sur l’adaptation aux changements climatiques lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, comme pour indiquer que ces accusations ne l’affectent pas outre mesure. »
La réponse politique inévitable ?
Pour Mamadou Sy « Albert », analyste politique, la réponse immédiate des anciens ministres à ces accusations serait inopportune. « Il serait malvenu pour un ancien Président de répondre directement à un chef d’État en exercice, qui détient l’autorité des chiffres. Cela pourrait nuire à leur crédibilité. » Selon lui, ce silence est une posture logique, car « politiquement, ce n’est pas payant de répondre à un État qui est là pour cinq ans. »
Cependant, il est probable que ces anciens responsables politiques prennent la parole ultérieurement pour défendre leur honneur. « L’APR, en tant que parti, et Amadou Bâ, en tant qu’acteur politique de premier plan, devront inévitablement apporter une réponse pour se justifier, surtout face à des accusations aussi graves que la falsification d’indicateurs macroéconomiques, » estime Mamadou Sy. Il s’agit d’une question d’image et de crédibilité pour ces anciens gestionnaires de l’État.
Ainsi, bien que ce silence semble être une stratégie de gestion de crise réfléchie, il ne pourra durer indéfiniment. La pression monte, tant de la part de l’opinion publique que du calendrier politique, et une réponse en bonne et due forme est attendue pour dissiper ces accusations qui ternissent déjà la réputation des anciens ministres et leaders de l’APR.