Amnesty International a lancé un appel urgent mercredi pour mettre fin aux expulsions forcées et aux démolitions massives menées depuis janvier par les autorités du district d’Abidjan dans les quartiers précaires de la capitale économique ivoirienne. Dans un communiqué, l’ONG dénonce également un usage excessif de la force, affirmant que plusieurs dizaines de milliers d’Abidjanais ont déjà été déplacés de leurs foyers.
Une enquête de terrain réalisée en juin dans quatre quartiers touchés par ces opérations (Gesco, Banco 1, Boribana et Abattoir) révèle que les résidents n’ont pas été consultés ni informés des conditions et de la date des démolitions. Selon Amnesty, ces interventions ont conduit à la destruction non seulement de logements et de commerces, mais aussi de deux écoles, dont une école coranique dans le quartier Banco 1, privant ainsi de nombreux enfants et jeunes de leur accès à l’éducation.
L’ONG souligne également que les autorités n’ont pas procédé à un recensement systématique avant le début des démolitions, rendant impossible un décompte précis et l’indemnisation adéquate des victimes.
Le gouvernement ivoirien avait annoncé en mars des mesures d’aide au relogement, incluant un versement de 250 000 francs CFA (381 euros) par ménage. Cependant, début août, Amnesty a rapporté que de nombreuses familles n’avaient toujours pas été relogées ni indemnisées pour les pertes subies.
Le parti au pouvoir, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), défend ces opérations comme nécessaires pour réduire les risques d’inondations et d’éboulements, qui causent de nombreuses pertes humaines chaque année dans la métropole de plus de six millions d’habitants. Le président Alassane Ouattara, dans une déclaration du 6 août, a reconnu que ces décisions difficiles pouvaient entraîner des incompréhensions et de la colère, mais a promis de minimiser les impacts sur la population.
Le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) de Côte d’Ivoire avait déjà critiqué en février ces destructions, les qualifiant de « mépris des droits fondamentaux » et de « manque de concertation ». Fin juillet, des violences ont éclaté à Adjamé Village, un quartier traditionnel d’Abidjan, entraînant la mort de deux personnes lors d’une opération de démolition.