Les déclarations d’un représentant de l’État guinéen, menaçant quiconque oserait ternir l’image du chef de la junte, le général Mamadi Doumbouya, ont suscité une vive émotion, quelques semaines après la mort suspecte d’un médecin accusé d’avoir incendié un portrait du général.
Les propos controversés ont été tenus par le préfet de Kankan, Kandia Mara, lors de l’inauguration d’une stèle en l’honneur du président de la transition, à l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance guinéenne mercredi dernier. Une vidéo de cet événement, largement partagée sur les réseaux sociaux et authentifiée par l’AFP, montre le préfet avertissant ceux qui pourraient tenter de dégrader la stèle. « Le premier qu’on attrape en train de faire ça partira de la même manière que l’autre est parti », a-t-il lancé en mandingue.
Ces propos ont immédiatement été interprétés comme une allusion à Mohamed Dioubaté, un médecin arrêté début septembre pour avoir brûlé une effigie du général Doumbouya à un rond-point de Kankan. Dioubaté est décédé en détention fin septembre, mais les circonstances de sa mort n’ont jamais été rendues publiques, alimentant les suspicions autour de son décès.
Ce drame est le troisième décès en détention rapporté en trois mois sous la junte guinéenne. Par ailleurs, deux opposants sont portés disparus depuis leur arrestation en juillet, ce qui renforce les inquiétudes sur les pratiques du régime en place.
Face à cette situation, plusieurs personnalités de la société civile, dont Alpha Bayo et Ange Gabriel Haba, ont réclamé la destitution immédiate du préfet de Kankan. Bayo a déclaré que les propos de Kandia Mara « prouvent à suffisance que la justice ne représente plus rien aux yeux des autorités de la transition ». Haba, quant à lui, a dénoncé une image « tyrannique » du pouvoir.
Des membres du Conseil national de la transition (CNT), comme Jean-Paul Kotembedouno et Sayon Mara, ont également exigé des sanctions contre le préfet, réclamant qu’il soit entendu sur les circonstances de la mort de Mohamed Dioubaté.
Depuis la prise du pouvoir par Mamadi Doumbouya en 2021, la junte a multiplié les arrestations d’opposants, imposé des restrictions sur les manifestations, dissous des organisations civiles et retiré les licences de plusieurs médias privés. Selon Amnesty International, la répression de manifestations non autorisées a causé la mort d’au moins 47 personnes entre septembre 2021 et avril 2024.
Ce climat de répression suscite des préoccupations croissantes quant à l’avenir de la transition politique en Guinée.