Du 19 au 22 août, Chicago, Illinois, sera le théâtre de la Convention nationale du Parti démocrate américain. Ce rassemblement est traditionnellement l’occasion pour les délégués du parti de valider officiellement le candidat à la présidentielle ainsi que son colistier. Cependant, cette année, la situation est particulière : Kamala Harris et Tim Walz ont été désignés en amont, suite à la décision de Joe Biden de se retirer.
Un processus de désignation atypique
Depuis les années 1970, les conventions du Parti démocrate se sont transformées en événements essentiellement cérémoniels. Les troubles lors de la convention de 1968 ont conduit à des réformes pour éviter les conflits internes. Pour garantir une transition fluide après le retrait de Joe Biden, le Comité national démocrate a organisé un vote en ligne début août, afin de désigner Kamala Harris et son colistier Tim Walz. Cette démarche visait à prévenir des complications juridiques, notamment en Ohio, où la date limite pour désigner officiellement le candidat était le 7 août. De plus, cette procédure a permis de contourner les défis législatifs et d’assurer une transition en douceur. Les tentatives de contestation par les républicains, qui accusaient Harris d’avoir « volé » la candidature, se sont révélées infructueuses. Selon François de Chantal, professeur en études américaines à l’Université Paris-Cité, « une action en justice aurait été possible avant la convention, mais pas après. »
Kamala Harris : une candidate d’unité
Parmi les nombreux démocrates pressentis pour succéder à Joe Biden figuraient des personnalités telles que le gouverneur de Californie Gavin Newsom et le secrétaire aux Transports Pete Buttigieg. Toutefois, Kamala Harris, en tant que vice-présidente en poste, était la seule capable de récupérer les fonds de campagne accumulés par Biden. De plus, le soutien public de Biden à Harris a compliqué toute concurrence interne. Ludivine Gilli, directrice de l’Observatoire de l’Amérique du Nord à la Fondation Jean Jaurès, explique que le soutien massif des délégués, des dirigeants du parti et des donateurs a rapidement scellé son destin.
Les contraintes de calendrier ont également joué en faveur de Harris. Les délais imposés par chaque État ont simplifié la désignation de la vice-présidente, minimisant les complications procédurières. La nomination de Tim Walz comme colistier a été annoncée avant la convention, une démarche inhabituelle qui visait à renforcer l’unité du parti avant l’événement. Cette stratégie a été interprétée comme un effort pour consolider le soutien face à la menace représentée par Donald Trump.
Le programme de la Convention
Au cours des quatre jours de la convention, l’accent sera mis sur l’image d’unité du parti. Les discours en soirée, diffusés en « prime time », viseront à renforcer cette image et à présenter les messages clés de la campagne. Le candidat à la présidence prendra généralement la parole lors de la dernière soirée. Des personnalités variées du parti, allant des gouverneurs aux anciens responsables, s’exprimeront pour soutenir les candidats et promouvoir les priorités du parti. Selon Ludivine Gilli, l’objectif est de définir les messages de campagne, y compris ceux visant à améliorer la vie quotidienne des Américains, et de maintenir la dynamique créée par la désignation de Harris et Walz.
Les matinées et débuts d’après-midi seront consacrés à des réunions de « caucus et conseils » pour discuter des questions de campagne et des préoccupations spécifiques des électeurs (ruralité, pauvreté, diversité ethnique, etc.). Les délégués finaliseront également le programme du parti, en mettant l’accent sur des thèmes importants comme le climat, souvent sous-représenté dans les discours.
Les tensions à l’extérieur de la convention
Malgré l’unité affichée à l’intérieur, des tensions sont attendues à l’extérieur. La « Coalition to March on the DNC », un groupe d’organisations de gauche, a obtenu l’autorisation de manifester contre le soutien de l’administration démocrate à Israël dans son conflit avec Gaza. Ces manifestations se dérouleront au Grant Park de Chicago, lieu des troubles de 1968, bien que la situation actuelle soit différente. Larry Snelling, surintendant de la police, a assuré que les forces de l’ordre sont préparées pour garantir le respect des droits constitutionnels de manifester.
Dans l’État du Michigan, une partie de la communauté arabo-musulmane menace de ne pas soutenir le Parti démocrate en raison de la politique de Biden sur Israël. La question se pose donc : Kamala Harris utilisera-t-elle la convention pour se démarquer de la politique de Biden concernant la question israélo-palestinienne ? Selon Ludivine Gilli, il est incertain si elle ira jusqu’à s’opposer fermement à l’envoi d’armes.
La Convention de Chicago s’annonce comme un moment crucial pour le Parti démocrate, à la fois pour démontrer son unité interne et pour affronter les défis externes qui pourraient influencer l’élection présidentielle à venir.