Le dimanche 17 novembre 2024, les Sénégalais sont appelés à élire les 165 députés de la 15e législature, dans le cadre d’élections législatives anticipées, après la dissolution prématurée de la 14e législature. Ce scrutin revêt une importance capitale tant pour le gouvernement du président Bassirou Diomaye Faye que pour l’opposition, qui entend contester la mainmise du pouvoir sur l’Assemblée nationale.
Un enjeu majeur pour la majorité présidentielle
Pour le régime en place, ces élections sont un passage obligé pour obtenir la majorité à l’Assemblée et ainsi pouvoir mettre en œuvre son programme politique, notamment son projet socio-économique à long terme. Bassirou Diomaye Faye, élu en mars 2024, a déjà subi les effets d’une cohabitation tendue avec une opposition majoritaire à l’Assemblée, comme en témoigne le blocage de certaines réformes, telles que la suppression du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et du Haut Conseil des collectivités territoriales (HCCT). Pour éviter de nouveaux blocages, le président et son Premier ministre, Ousmane Sonko, ont besoin d’une majorité confortable, idéalement deux tiers des sièges, afin de mener à bien les réformes inscrites dans leur projet de société intitulé Vision Sénégal 2050.
Cette vision repose sur un développement durable, soutenu par une croissance économique moyenne de 6,5% entre 2025 et 2029. L’objectif est de renforcer l’économie sénégalaise à travers l’industrialisation et la transformation locale des matières premières, dans un contexte de création massive d’emplois pour une jeunesse qualifiée. Le Plan d’Action Prioritaire (PAP) 2025-2029, d’un coût global estimé à 18 496,83 milliards de FCFA, constitue l’un des piliers de cette ambition.
Une opposition unie contre le régime
L’opposition, quant à elle, est déterminée à empêcher le régime de réaliser ses objectifs en obtenant une cohabitation à l’Assemblée nationale. La coalition Sámm Sa Káddu, dirigée par Barthélémy Dias, se positionne comme l’une des forces principales de cette résistance. Son leader, ancien maire de Dakar, incarne une figure de proue de l’opposition, notamment à travers une rivalité ouverte avec le président Faye, qu’il qualifie de « frère d’une autre mère » devenu ennemi politique.
À ses côtés, l’ancien Premier ministre Amadou Ba, tête de liste de la coalition Jamm ak Ndieriñ, représente un autre acteur majeur de cette bataille pour la représentation nationale. Ancien membre du camp présidentiel, Ba a rompu avec le parti APR et s’engage désormais dans la campagne pour jauger sa popularité, en vue de marquer une nouvelle étape de sa carrière politique.
Les attentes des Sénégalais : un Parlement au service du peuple
Les attentes des citoyens sénégalais sont claires : un renouvellement du personnel politique pour sortir du cadre des pratiques anciennes, jugées trop partisanes et éloignées des préoccupations réelles des populations. L’émergence d’un « nouveau type de député » (NTD), capable de travailler indépendamment des intérêts partisans, est l’une des principales exigences. Le rôle des parlementaires, qui consiste à légiférer, contrôler l’action gouvernementale et défendre les intérêts des citoyens, doit être pleinement assumé, loin de toute influence politique ou économique.
Aussitôt installée, la nouvelle Assemblée nationale devra se mettre au travail sans délai. Le budget 2025, qui accuse déjà un retard, devra être adopté en priorité, suivie des réformes structurelles nécessaires à la mise en œuvre du Plan Sénégal 2050. Parmi les autres projets à l’ordre du jour figurent la dissolution des deux institutions controversées, le CESE et le HCCT, que la précédente législature avait rejetés, et l’abrogation de la loi d’amnistie, adoptée en mars dernier, qui a suscité une vive polémique.
L’abrogation de la loi d’amnistie : un combat majeur
Un autre point crucial qui divise l’opinion publique est la loi d’amnistie, adoptée sous la 14e législature, et qui couvre une série de faits criminels et correctionnels commis entre février 2021 et février 2024, en lien avec les manifestations politiques. Ce texte est perçu par une grande partie de la population comme une apologie de l’impunité, ce que dénonce fermement l’opposition. Ousmane Sonko, tête de liste du Pastef, a d’ores et déjà promis d’abroger cette loi s’il obtient la majorité parlementaire. Selon lui, « une loi d’amnistie qui protège des assassins et tueurs de manifestants est inacceptable ». Lors de ses récents meetings, il a réaffirmé sa volonté de mettre fin à ce dispositif qu’il considère comme une tentative de blanchir les crimes politiques.
Un scrutin décisif pour l’avenir du Sénégal
Les élections législatives anticipées du 17 novembre 2024 s’annoncent donc comme un moment charnière pour l’avenir politique et socio-économique du Sénégal. Pour le président Bassirou Diomaye Faye et son gouvernement, il s’agit de décrocher une majorité parlementaire capable de soutenir leur vision à long terme et de concrétiser les réformes promises. Pour l’opposition, c’est une occasion de contester la domination du pouvoir exécutif sur le législatif et de faire émerger un contre-pouvoir capable de protéger les intérêts du peuple. Les Sénégalais, eux, attendent un Parlement fort, indépendant et plus proche de leurs préoccupations quotidiennes, loin des compromissions passées.