L’Ouganda enregistre chaque année des pertes financières colossales liées à la corruption, estimées à près de 2,3 milliards d’euros, soit environ un quart de son budget annuel, a déclaré lundi la cheffe de l’agence anticorruption du pays, Beti Kamya Turwomwe, dans un entretien accordé à l’AFP.
Ce pays d’Afrique de l’Est, classé au 141e rang sur 180 par l’ONG Transparency International en matière de corruption, est régulièrement secoué par des scandales de détournement de fonds publics, malgré les engagements du président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, de lutter contre ce fléau.
« Le pays perd 9 144 milliards de shillings (près de 2,3 milliards d’euros) chaque année, une somme suffisante pour couvrir 23 % du budget national », a précisé Beti Kamya Turwomwe, responsable de l’Inspection générale du gouvernement (IGG). « Ces pertes énormes, qui auraient dû être investies dans les services publics, sont un signal d’alarme pour tous les citoyens », a-t-elle ajouté.
Malgré l’ampleur des pertes, l’IGG n’a récupéré que 1,8 million d’euros, un chiffre modeste que Mme Turwomwe attribue au manque de financements et de personnel pour mener à bien les enquêtes et les opérations de recouvrement.
Le rapport annuel de l’IGG, présenté la semaine dernière au parlement, met en lumière l’ampleur du phénomène. Fondé sur des recherches du Government Transparency Institute, le rapport révèle que le secteur de la protection de l’environnement est le plus touché, avec des pertes évaluées à plus de 630 millions d’euros. Le rapport précise également que les coûts liés à la corruption dans l’accès à l’eau et à l’électricité atteignent près de 119 millions d’euros.
Toutefois, ces estimations sont considérées comme sous-évaluées en raison du manque de données fiables. Le document souligne également que certains coûts ne sont pas directement mesurables, notamment ceux liés aux formes non monétaires de corruption.
Le problème de la corruption en Ouganda est exacerbé par des décisions controversées. La semaine dernière, le président Museveni a gracié un fonctionnaire ayant détourné plus d’un million d’euros des caisses de l’État, après qu’il eut purgé cinq ans d’une peine de dix ans. Cette décision a provoqué l’indignation de la société civile, qui y voit un signal négatif dans la lutte contre la corruption.
Par ailleurs, en avril et mai derniers, des sanctions internationales ont été prises contre plusieurs hauts responsables politiques ougandais, notamment la présidente du parlement, Anita Among, pour des faits de « corruption significative », selon les gouvernements du Royaume-Uni et des États-Unis.