Un décret adopté en conseil des ministres le mercredi 28 août 2024 marque un tournant pour la Société de recherche et d’exploitation des ressources minérales du Mali (Sorem). Cet acte législatif permet à cette entreprise publique de lancer des travaux de recherche sur le site d’Intahaka, situé dans la commune de N’Tillit, région de Gao. Déjà considéré comme le principal site d’orpaillage du pays, Intahaka pourrait, grâce à ce projet, devenir une source de revenus encore plus importante pour l’État malien.
Un site prometteur sous contrôle stratégique
Le périmètre de recherche octroyé à la Sorem s’étend sur 97,41 km². Ce site, exploité depuis plus de six ans par des milliers de mineurs artisanaux venus de tout l’espace ouest-africain, recèle un potentiel aurifère significatif. L’arrivée de Sorem, créée en novembre 2022 avec des capitaux entièrement publics, vise à maximiser les retombées économiques des ressources minières du pays. L’entreprise a pour mission non seulement la recherche et l’exploitation des ressources, mais également leur traitement et leur commercialisation.
Silence officiel et interrogations
Malgré l’importance de ce projet, les autorités maliennes se montrent discrètes. Ni la Sorem, ni le ministère des Mines, ni l’agence T-Mak, chargée de la communication institutionnelle, n’ont souhaité fournir de détails sur le budget, les échéances ou les contours précis de cette initiative. Le décret adopté ne mentionne pour l’instant que des « travaux de recherche en vue de la découverte de gisement économiquement exploitable ».
Cette réserve suscite des questions parmi les acteurs locaux. Les orpailleurs traditionnels, présents en nombre sur le site, ignorent encore s’ils seront évincés ou encadrés. Les autorités locales, notamment le gouverneur et le maire de Gao, restent également silencieuses, malgré la proximité géographique d’Intahaka avec la ville.
Un contexte sécuritaire complexe
La situation à Intahaka est d’autant plus sensible que le site a été le théâtre, en février dernier, d’une intervention conjointe de l’armée malienne et du groupe paramilitaire Wagner, désormais intégré à l’Africa Corps. Ce déploiement massif visait à contrer les groupes armés, qu’ils soient jihadistes, rebelles ou pro-gouvernementaux, qui prélèvent régulièrement des taxes sur les orpailleurs. Les forces de Wagner et les militaires maliens avaient temporairement délogé le Gatia, un groupe allié de l’armée, avant de quitter les lieux en promettant de revenir, permettant ainsi aux orpailleurs de reprendre leur activité.
Cette intervention alimente les spéculations : certains observateurs se demandent si l’État malien ne chercherait pas à prendre le contrôle du site pour financer Wagner. Par ailleurs, des questions se posent sur la capacité de la Sorem à sécuriser et à exploiter industriellement le site, étant donné les importants investissements financiers et les compétences techniques que cela requiert.
Le Mali, un acteur clé de l’or africain
En mai dernier, la Sorem avait déjà fait l’acquisition de la mine de Morila pour un dollar symbolique, une opération qui faisait suite à un long litige après deux décennies d’exploitation. Le Mali, troisième producteur d’or en Afrique, affiche une production annuelle de 66,5 tonnes d’or, représentant 70 % des exportations, 25 % des recettes fiscales et 10 % du PIB, avec une contribution au budget d’État de plus de 500 milliards de francs CFA. Cependant, la production industrielle d’or est encore dominée par des entreprises étrangères, notamment canadiennes, australiennes et britanniques.
Le projet d’Intahaka pourrait bien être un test décisif pour la Sorem et pour la volonté de l’État malien de reprendre la main sur ses ressources stratégiques, dans un contexte où les enjeux économiques se mêlent aux défis sécuritaires.