Les Archives Sonores du Sénégal Révèlent Leurs Secrets Centenaires
Dans une salle de conférence à Dakar, la voix rauque d’un tirailleur sénégalais, enregistrée il y a plus d’un siècle dans un camp de prisonniers allemands de la Première Guerre mondiale, captive l’attention d’une audience concentrée.
Cette archive inédite fait partie d’une collection d’enregistrements sonores attribués à des Sénégalais et conservés au Musée ethnologique de Berlin. Pour la première fois, une partie de ces enregistrements est accessible au public africain à l’occasion de l’exposition « Échos du passé: à la découverte du patrimoine culturel immatériel » au musée des civilisations noires de Dakar.
Au cours d’un atelier dirigé par Massamba Gueye, chercheur et commissaire de l’exposition, les participants tentent d’identifier la langue utilisée dans les enregistrements. Khady Ba, une étudiante de 23 ans, reconnaît le wolof, la langue la plus parlée au Sénégal, dans les chants capturés. Les experts confirment qu’il s’agit de la complainte d’une femme interprétée par un prisonnier de guerre en wolof.
La diffusion de ces archives sonores, principalement des chants, suscite un mélange de gravité et de fierté parmi le public, qui tente d’identifier des mots et de se remémorer des thèmes musicaux. Pour Massamba Gueye, le patrimoine immatériel représente l’identité d’une nation, et sa préservation est essentielle pour préserver la mémoire collective.
L’exposition présente une vingtaine d’archives sonores, certaines datant de 1910, réalisées dans un lieu de divertissement à Berlin. La majorité des enregistrements proviennent de prisonniers de guerre du camp de Wünsdorf, près de Berlin, enregistrés entre 1915 et 1918. Ces soldats africains, détenus par l’armée française, étaient au cœur d’expériences visant à les convaincre de changer de camp.
Parmi les voix identifiées figurent celles d’Abdoulaye Niang, un soldat musulman originaire de l’île de Gorée, et de Madia Diouf, un agriculteur né à Banol près de Dakar. La recherche collaborative est encouragée pour identifier les personnes représentées dans les archives et comprendre leur histoire.
La numérisation permet de diffuser ce précieux patrimoine auprès d’un large public. Pour les participants, écouter ces enregistrements est une expérience émouvante et révélatrice de leur propre identité et histoire.