Depuis son retour en Côte d’Ivoire en 2021, après un acquittement à la Cour pénale internationale, Laurent Gbagbo n’a cessé de revendiquer son influence sur la scène politique ivoirienne, avec des ambitions claires pour un nouveau mandat présidentiel. Toutefois, la relation entre l’ex-président et la France, marquée par une rupture nette après la crise de 2011, reste un sujet de tensions non résolues. Dans ce contexte, la rencontre du 10 novembre 2024 avec l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire, Jean-Christophe Belliard, revêt une dimension symbolique et diplomatique importante.
Un rapprochement inattendu
Ce tête-à-tête, qui a eu lieu pour la première fois depuis 2010, marque une étape dans la réconciliation des relations entre Gbagbo et la France, longtemps marquées par des conflits d’intérêts. L’ancien président ivoirien n’a jamais caché ses critiques vis-à-vis de la France, accusant Nicolas Sarkozy d’avoir œuvré pour sa chute en 2011, durant la crise post-électorale. Dans une interview récente, il n’a pas hésité à affirmer : « Sarkozy ne voulait pas du tout me voir au pouvoir ».
Cependant, la rencontre de novembre 2024 semble marquer une nouvelle phase. Selon des sources diplomatiques, cet entretien, qui a duré plus de deux heures, s’est déroulé dans une atmosphère « chaleureuse, directe et sans tabou ». L’échange a permis d’aborder des sujets politiques, économiques et régionaux, allant des enjeux internes à la Côte d’Ivoire jusqu’à la situation du Sahel, un sujet de préoccupation majeure pour la France.
Une démarche politique à un an de la Présidentielle
L’objectif de l’ambassadeur Belliard était clair : engager un dialogue avec tous les acteurs politiques majeurs de la Côte d’Ivoire à l’approche des élections présidentielles de 2025. Cette rencontre s’inscrit dans la volonté de la diplomatie française de renouer le contact avec des figures influentes du paysage politique ivoirien. Avant Gbagbo, Jean-Christophe Belliard avait déjà eu des entretiens avec d’autres leaders ivoiriens, dont Tidjane Thiam, le président du PDCI-RDA.
L’un des enjeux sous-jacents à cette démarche est de s’assurer que la France soit perçue comme un acteur clé et équilibré dans la politique régionale, en particulier face aux défis sécuritaires du Sahel et à l’évolution de la relation franco-africaine.
Un message de réconciliation
Du côté du Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), dont Laurent Gbagbo est le leader, on a souligné l’importance de cet entretien. La porte-parole du PPA-CI, Habiba Touré, a déclaré que la rencontre s’était déroulée dans une ambiance « cordiale » et « agréable ». Ce geste marque sans doute un tournant dans les relations entre Gbagbo et la France, mais aussi un message à ses partisans et à la communauté internationale sur sa volonté de s’engager dans un dialogue constructif pour l’avenir politique de la Côte d’Ivoire.
Ce premier échange direct entre Laurent Gbagbo et un représentant français depuis plus de dix ans symbolise non seulement une normalisation des relations diplomatiques mais aussi un enjeu politique crucial à l’approche de la prochaine élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Les mois à venir seront sans doute déterminants pour mesurer l’impact de cette réconciliation sur la scène politique ivoirienne et régionale.